Préserver le Massif du Makay: la biodiversité sous l’oeil des satellites
Si l’île de Madagascar est connue pour ses paysages époustouflants et ses lémuriens, c’est également l’un des 36 points chauds de la biodiversité mondiale, caractérisés par une exceptionnelle concentration d’espèces endémiques* mais également par un risque très élevé de dégradation. Evrard Wendenbaum, le fondateur de l’association environnementale Naturevolution, nous explique l’importance de la biodiversité du massif du Makay et comment les images satellite d’Airbus les ont aidés dans leur démarche de protection.
C’est lors d’une expédition dans le massif du Makay, à l’est de l'île, en 2007 qu’Evrard Wendenbaum a découvert l’étendue des dégradations de cette zone vraisemblablement vierge et qu’il a décidé de créer Naturevolution. “Notre objectif au départ était de soutenir la recherche scientifique, de collecter des données pour apporter la preuve des menaces qui pèsent sur ce territoire” explique Evrard. Malgré
plusieurs expéditions et l’engouement pour cette zone d’une richesse incomparable, peu de mesures de protection ont été lancées. “Quand le monde ne bouge pas, on finit par bouger nous-mêmes”.
Une diversité d’espèces et géologique exceptionnelle
Le massif du Makay, labyrinthe de canyons et de forêts, est une zone où s'épanouissent une faune et une flore uniques depuis des millénaires, un véritable sanctuaire de la biodiversité.
Avec 83% d’espèces endémiques pour la flore et entre 80 et 90% pour la faune, dont 100% pour les lémuriens et 99% pour les amphibiens, le taux d’endémisme* y est particulièrement élevé. Il fait de cette région l’une des zones les plus cruciales à protéger de la planète.
La vaste superficie de Madagascar favorise une richesse d'espèces remarquable, amplifiant encore plus ces chiffres, avec 400 espèces d'amphibiens et 113 espèces de lémuriens. Ces animaux sont extrêmement sensibles à la dégradation de leur habitat car ils sont inféodés à certains types de végétation. Cela rend le besoin d'un programme de préservation encore plus criant. De plus, parmi les 1754 espèces inventoriées par l'association dans le massif du Makay, 433 sont inscrites sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), c’est-à-dire menacées d’extinction, comme le lémurien Propithèque de Verreaux.
Ce massif de 4 000 km2 possède également une géologie très spécifique avec des massifs isolés de roches sédimentaires, comme le parc des Tsingy de Bemaraha. Ces reliefs terrestres n'existent nulle part ailleurs et constituent de véritables refuges naturels. Composés de grès, très friables et remplis de cavernes, ils agissent comme un réservoir d’eau douce qui alimente toutes les rivières autour. C’est un atout clef de l’ouest de Madagascar car c'est une zone où il pleut très peu.
Un territoire menacé
Certaines habitudes culturelles des communautés locales peuvent avoir un impact dramatique sur la biodiversité. C’est notamment le cas à Madagascar où les feux sont utilisés à la fois pour des besoins agricoles et pour la chasse.
La précarité alimentaire est une autre source de menace. L’une des principales sources de nourriture dans le Makay est le riz, cultivé aux abords des rivières et nécessitant beaucoup d’eau. Cependant, la diminution des précipitations sur cette partie de l'île, en raison du changement climatique, a fortement réduit la production agricole, obligeant les habitants à se déplacer à l'intérieur de la forêt pour subvenir à leurs besoins. “Ce phénomène ajoute une couche au risque d’extinction des animaux. Tout est lié, les espèces interagissent les unes avec les autres, Il suffit d’enlever une espèce d'arbres et cela va éteindre avec elle une quantité astronomique d’insectes, de primates, d'oiseaux,” explique Evrard.
Les images du satellite SPOT ont aidé l'association à mieux appréhender ce territoire labyrinthique en facilitant leurs recherches scientifiques. Les images fournies par le satellite SPOT couvrent, en une seule passe, de très grandes surfaces, tout en offrant une résolution très fine et l’accès à énormément de détails sur le couvert végétal. C’est la combinaison idéale pour étudier dans le détail des milliers d’hectares de forêts, et rapidement identifier les zones de dégradations
L’imagerie satellite, un sésame pour pénétrer la forteresse du Makay
“Sans les images satellite d’Airbus, nous n’aurions jamais pu pénétrer dans ce territoire” explique Evrard.
Le massif du Makay est en effet connu pour être un labyrinthe de canyons dans lequel il est facile de se perdre. L’imagerie satellite a permis de repérer les rivières et les lacs, mais aussi de déceler de petites forêts, dans lesquelles l’équipe a d’ailleurs découvert des espèces jusqu’alors inconnues comme le poisson Pachypanchax.
“Sur le volet scientifique, nous avions besoin d’identifier les différentes espèces d’animaux et de végétation, de les classifier et également de séparer et quantifier les types de couverture forestière : sèche, humide ou de marécage”. A partir de parcelles définies sur les cartes réalisées grâce à l’image satellite, les équipes d'écogardes ont recensé chaque espèce menacée. Ces données scientifiques ont permis une connaissance plus fine des espèces présentes, de leur répartition et de leurs préférences écologiques afin de surveiller leur évolution dans le temps. L’association peut ainsi définir les risques et les priorités d’actions de préservation et d’en mesurer leur impact.
De l’espace au sol: la cartographie grâce aux satellites
Il n’existe aucune carte administrative du Makay pour identifier les villages, les réseaux hydrographiques ou les routes. “Nous voulions mettre en place une aire protégée, les images satellite nous ont permis de la délimiter géographiquement et de créer des cartes utilisées pour le plan d’aménagement et de gestion de cette aire,” explique Evard. “Grâce à l’imagerie, nous avons pu recenser les densités de populations de lémuriens, d'oiseaux et aussi d’habitants en identifiant le nombre de cases dans les villages”.
Les images satellite sont également utiles pour les actions de sensibilisation des communautés locales. “On s’est rendu compte que nos cartes, trop stylisées, étaient difficiles à lire pour les communautés locales. Les photos sont plus claires, surtout quand il y a du relief”.
Les images satellite ont montré tout leur intérêt pour couvrir de vastes zones, identifier les paysages, pour réaliser des cartes et surveiller les espèces, afin de protéger la biodiversité dans ces espaces reculés. “Ce sont également de bons outils pour apporter des preuves de dommages et aussi pour quantifier l'impact des actions” conclut Evrard.
Naturevolution
Avec ses équipes locales, l'association est engagée dans plusieurs actions de conservation du massif du Makay : le soutien à l’éducation, l’accès à l’eau et à l’éclairage, ou encore l’aide à la souveraineté alimentaire. Grâce à des potagers et rizières écoles par exemple, les communautés apprennent de nouvelles techniques de culture et utilisent des variétés plus adaptées à la perte hydrique.
Pour en savoir plus, consulter le site web de l’association.
*endémisme: Présence d'une espèce animale ou végétale dans une aire de répartition limitée et qui est propre à ce territoire